L’un des points forts de Misia est probablement de ressembler à tout le monde. Aucun signe physique particulier chez elle ; elle semble en tout point (ou presque) être une citoyenne ordinaire.
Ses longs cheveux bruns sont en général tenus par un lacet simple ou tressés selon ses besoins et le niveau d’effort qu’elle décide de leur accorder. Seuls y échappent une frange effilée, étalée sur son front, ainsi que quelques mèches trop courtes pour être attachées. Un regard brun faisant écho à la jeunesse de son âme orne son visage, espiègle et malicieux. Si ses traits n’ont rien d’agressifs, elle arbore une moue plutôt boudeuse, presque ennuyée. Du moins, quand un sourire carnassier ne vient pas faire pétiller son regard. Son visage reste cependant souvent caché par un couvre-chef en paille tressée, dissimulant l’identité d’une personne se voulant visiblement un minimum discrète.
Misia porte des vêtements sombres et amples, permettant une grande liberté de mouvement. Hors de question de restreindre ses gestes, même un tant soit peu. D’autant plus que des vêtements pareils lui permettent de dissimuler aisément quelques armes – dagues, poignards et armes à feu comprises. Le tout est recouvert d’une cape tout aussi sombre, noire, légère mais suffisante pour lui tenir chaud.
Si son accoutrement ne révèle rien d’elle, c’est parce qu’il dissimule corps finement musclé qui n’est exprimé que par une démarche souple et légère. Il est difficile de percevoir le son de ses pas, qu’elle étouffe avec une efficacité redoutable. Ses gestes sont précis, suffisamment pour jeter le doute sur la nature de ses capacités. Artemisia a entraîné son corps pour le rendre discret, si discret qu’un seconde d’inattention vous dérobe de sa présence. Elle glissa dans les ombres, épouse les nuits obscures, tant et si bien que sa présence fugace en devient agaçante. La jeune femme cultive cette furtivité avec un sourire malicieux souvent aux lèvres.
Au premier abord comme au dernier, Misia se distingue pour parler couramment le sarcasme et la dérision. Sa notion du respect n’est que très relative et elle ne se fatigue généralement pas à tenir en compte le statut de ses interlocuteurs. En fait, si l’on devait être franc sur son franc-parler (haha), disons simplement que son stock de respect fut épuisé à 13 ans. Oh, elle n’est pas particulièrement désagréable (pour qui supporte en tout cas une certaine vulgarité et un langage flamboyant). La jeune femme ne s’encombre simplement pas de superflus et porte ses émotions avec une honnêteté rafraîchissante. Cela faisait-il d’elle une insolente ? Absolument.
Elle entretient cependant une part sournoise et malicieuse d’elle-même, maligne et un tant soit peu sadique aussi. Si ses taquineries piquent parfois, il n’est pas difficile de l’adoucir.
Curieuse jusqu’à devenir agaçante, elle a soif de savoirs et de découvertes. La jeune femme ne vit que pour tester les limites du monde, comme si l’existence-même de l’univers était un challenge à relever. Si cette vie ne suffirait pas à cela, la prochaine ferait l’affaire. Pour le temps présent, dompter le vent et tutoyer les étoiles étaient suffisants. Bien entendu, et comme on peut s’y attendre, cette curiosité et presque-dédain pour le danger lui font parfois (souvent?) défaut. En particulier quand l’ennui vient lui troubler l’esprit. Ne pas s’étonner, alors, qu’elle vienne déranger les mauvaises personnes au mauvais moment.
Assurée et confiante, tranchante dans la certitude de son être, loin sont les jours où les doutes et la crainte étouffent son cœur. Misia embrasse avec une fierté presque palpable ce qu’elle est, qui elle est et qui elle sera. Un comportement qui peut sans doute lui faire défaut dans la mesure où confiance est confondue avec arrogance. Si elle ne s’estime pas au-dessus des autres, elle interdit cependant à quiconque de la rabaisser.
Elle se montre parfois sévère et cruelle, et d’autres fois chaleureuse et bienveillante. Elle réunit ses contradictions comme une éclipse au milieu des nuages ; comme le feu qui réchauffe et brûle. Aigre et douce à la fois. Ces deux aspects en apparence opposés sont pourtant à apprécier dans un même instant chez la jeune femme – de la tendresse d’un sourire au tranchant de ses paroles.
Il ne faut cependant pas la confondre avec une personne très sociable – elle chérit énormément sa solitude. Particulièrement individualiste, elle rechigne parfois à passer du temps avec les autres et fuit la société dès que le besoin s’en fait sentir. Non pas qu’elle soit misanthrope, mais être sociale peut lui être très épuisant. Rien de telle alors qu’une escapade en solitaire, loin des villes et des gens. Vous la trouverez plus facilement aux croisements de chemins de terres, entre plaines et montagnes, ou perchée à la cime d’un arbre là où tout semble plus calme.
Les premières années de la vie d’Artemisia connaissent la hauteur des montagnes verdoyantes, le chant des forêts et les jeux du soleil au travers la couronne des arbres. Elle est insouciante et ignorante du monde par-delà la montagne ; presque casse-cou au plus grand dam de ses parents, de simples éleveurs de brebis. Les montagnes chantent son enfance et ne semblent exister que pour elle.
Artemisia tire ses premières flèches contre une vieux chêne décrépi qui ne compte plus ses plaies. Elle a l’assurance d’une redoutable chasseresse, déjà, mais l’expérience d’une débutante en soif d’apprendre. Il lui faut quatre mois d’efforts constants pour ramener son premier butin. Quatre mois à respirer avec la nature, se fondre dans son environnement, se déplacer avec le même silence que la plus petite des créatures de la forêt. Quatre mois au bout desquelles Artemisia apprivoise la forêt pour finalement en faire partie.
Elle est sauvage, naïve encore, mais fait déjà la fierté de ses parents.
A sa douzième année, la guerre arrive jusque chez eux. Dans les montagnes, elle aurait pu être évitée, si un officier du pays n’était pas venu chercher son père, soldat en défection. Il refuse de rejoindre les rangs et, Artemisia, cachée derrière la porte de la cuisine soupire de soulagement. La nuit-même, l’officier la kidnappe comme pour lui faire payer un fardeau qui n‘était pourtant pas sien.
Elle n’avait jamais auparavant connu la brutalité du monde. Encore moins celle d’une ville d’esclaves. Le sol poussiéreux lui irritait les yeux, ses jambes fébriles avançaient avec difficulté et elle sentait que le poids qu’elle transportait sur son dos finirait par la faire chuter si elle n’y mettait pas toute son attention. Néanmoins, hors de question de laisser tomber. Elle en avait vu d’autres le faire, plus vieux en général, parfois aussi jeunes qu’elle ; et beaucoup finissaient avec le dos en sang. Le bruit du fouet claquant lui semblait toujours aussi terrible.
La guerre demandait-elle donc autant d’eux ?
L’amour de ses parents lui manquait, le chant des oiseaux et l’odeur de la forêt aussi. A la place, la peur et la fureur germaient en elle. Si au moins elle avait un arc et une flèche – un tir lui suffirait pour au moins créer la confusion et s’enfuir en courant. Elle qui était si petite et silencieuse, elle avait probablement une chance de réussir.
Pourtant, à la place de ça, la voilà qui transportait des matériaux à longueur de journées.
Oryon était un gentil garçon. Une tête blonde et bouclée, moins sauvage qu’elle, plus posé, peut-être pas aussi futé pour certaines choses, mais plus pragmatique aussi. Artemisia l’appréciait. Sa compagnie l’aidait à tenir, et un échange de sourires ou de rires avec un enfant de son âge dans un tel endroit était toujours le bienvenue. Avec lui, la haine n’avait pas encore eu l’occasion de complètement lui ronger le cœur.
Quand il vint le moment d’échafauder un plan pour s’enfuir, leur complémentarité prenait en force. Pour l’occasion, Misia avait taillé un arc de fortune avec une branche (elle n’en était pas à sa première tentative), et une flèche avec un bout en verre. Le tout n’était pas terrible, ni joli, mais suffisant. Suffisant pour mettre le feu à la cabane de ses geôliers.
Lorsque la lune brillait au plus haut dans le ciel, ils partiraient.
Misia avait l’impression qu’un feu sauvage brûlait ses poumons et ses jambes. Elle courait depuis quelques temps déjà, tentant d’échapper à ses ravisseurs. Oryon avait disparu derrière elle, et elle priait une quelconque divinité présente de le protéger. Une aubaine s’était dressée à l’approche d’une forêt. Elle avait presque dérapé, prenant un violent tournant à gauche, glissant sur la terre sèche du bois. Presque à l’aveugle. L’argenté de la lune se glissait doucement entre les branchages, mais voir restait difficile. Elle n’osait pas regarder derrière elle. Les cris et les bruits de pas suffisaient à lui informer qu’elle n’était pas encore sortie d’affaire.
Paniquée, elle cria presque en croisant le regard d’une biche aussi affolée qu’elle. Son pied se prit dans une racine, elle chuta, roula sur plusieurs mètres – branches et feuillages lui éraflant les bras. Puis ce fut la chute.
Le vent sifflant dans ses oreilles, l’adrénaline rageant dans le sang. Jusqu'à ce que l’eau glaciale ne lui éclate sur la peau comme du verre brisé. Puis ce fut le noir complet.
Artemisia trouve la vie d’adulte difficile. Elle n’a beau avoir que quatorze ans, les responsabilités qu’on lui affuble au sein d’un groupe de convoyeurs la dépassent presque. Cela dit, l’expérience est plus appréciable que son ancienne vie d’esclave. Bien que le jeune Oryon lui manque. Penser à lui ne vient que rarement ; les souvenirs la mènent souvent jusqu’aux parents qu’elle n’a jamais pu revoir non plus. Elle reste dans l’ignorance, bien que cherchant parfois des indices sur son enfance. Tout indice pouvant la ramener jusqu’à eux.
Fuir la tragédie et la mort avaient eu leur prix. A présent, elle faisait de son mieux pour se faire une place dans un monde qui lui paraissait presque trop grand – bien que la perspective de tout explorer lui tirait le plus grand des sourires. Mais qu’il s’agisse d’informations ou de mobilité, la jeune adolescente se rend vite compte que les moyens lui manquent terriblement. La veille de ses quinze ans, son attention se fixe sur un convoyeur beuglant sur l’examen de Hunter – le titre semble mériter sa majuscule. Après une myriade de questions qui l’amènent à faire plus de vaisselles que prévues tant elle exaspère l’individu, la décision de Misia est toute prise.
C’est à quinze et trois mois qu’elle devient Hunter. La licence au bout des doigts lui confère une fierté étrange quoique méritée. L’examen en lui-même n’avait rien été de trop difficile – pas quand on savait déjà chasser et que la forêt était une seconde demeure. Sans compter qu’Artemisia avait déjà eu affaire avec des mercenaires plus dangereux que le pire des candidats.
A son presque désespoir, la Licence ne vaut rien tant que le Nen n’est pas maîtrisé. Elle en apprend l’existence avec une curiosité innocente et le mécontentement d’une adolescente estimant avoir déjà trop donné. Elle trouve du travail auprès d’une mercenaire nommée Eris – non pas sans se sentir presque intimidée par sa chevelure flamboyante et sa démarche dangereuse pour qui sait le percevoir.
La femme l’envoie faire ses courses et, en échange, la nourrit, l’héberge, et lui apprend le Nen. Artemisia se montre réticente mais sait quand obéir.
Elles se séparèrent au bout de six mois. Sans larmes ni effusions d’affection. Une séparation légère et simple, comme Artemisia en avait besoin. Comme elle le faisait souvent.
Artemisia reprend sa vie errante solitaire qu’elle avait un temps mise en suspens. Elle erre comme la lune dans le ciel nocturne, se fiant aux étoiles pour poser son chemin. Encore de temps en temps, elle cherche des indices sur les dires d’un jeune Oryon aux boucles dorées sous le soleil, et de ses parents. Mais même à vingt ans, rien ne semble percer. La guerre s’était tu et avait emporté avec elle ses secrets.
Mais Misia n’avait pas besoin de la guerre et de ses traumatismes pour déterrer des miettes d’informations. Carte de Hunter en main, elle n’hésita pas à voir plus grand, plus loin encore qu’elle ne le put auparavant.
Artemisia confiait à présent leur réunion au destin ; elle apprécie pour le temps présent les chemins qu’elle empreinte, gardant dans un coin de son esprit l’espoir d’apercevoir des traits familiers dans la foule.
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